L’hiver arabe – L’édito de Patrice Chabanet

Malheureuse Tunisie. C’est elle qui vit naître le « printemps arabe » et qui essaima hors de ses frontières. Mais très vite les pesanteurs intégristes ont rogné les acquis démocratiques. Aujourd’hui la majorité parlementaire est détenue par un parti islamiste qualifié de modéré, l’Ennahdha. Le gouvernement issu de ses rangs n’est pas parvenu à juguler la crise sanitaire. Pour débloquer la situation, le président Kaïs Saïed a tapé dans le tas : limogeage du chef du gouvernement et de plusieurs ministres. Plus impressionnant encore : il a suspendu les travaux du Parlement. En général, pareil coup de force génère un vent de colère dans la population. En Tunisie, la colère est surtout dirigée contre le gouvernement, incapable de faire front à la pandémie, épargnant le chef de l’Etat.

De l’autre côté de la Méditerranée, comme en Europe, le Covid agit comme un révélateur. Avec plus de 150 décès par jour, la Tunisie détient un record peu enviable : le taux de mortalité le plus élevé d’Afrique, selon l’OMS. Le virus a dynamité le système de santé, fragilisé par le manque de moyens et par des stratégies au fil de l’eau. Pour la jeune démocratie tunisienne, l’addition est lourde : à la crise sanitaire s’ajoutent la crise sociale et maintenant la crise politique. Cette dernière est sans doute la plus redoutable. Elle ravive l’affrontement, sous-jacent ou ouvert, entre les islamistes et ce que nous appellerions ici les laïcs. Pour le moment, la majorité des Tunisiens paraissent plus enclins à accorder leur confiance à une gestion pragmatique et efficace pour les sortir du piège viral qu’à des considérations religieuses. Mais rien n’est joué. L’instabilité recèle de gros risques, souvent incontrôlables. Parfois le printemps arabe, on l’a vu dans d’autres pays, sombre dans l’hiver. La Tunisie, souvent pionnière en matière démocratique, ne mérite pas cette descente aux enfers.

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