"OSS 117: Alerte rouge en Afrique noire": Pourquoi son espion culte est le parfait "idiot" décrit en philosophie

Jean Dujardin, alias Hubert Bonisseur de la Bath, dans

CINÉMA - Sexiste, raciste, homophobe...? Hubert Bonisseur de la Bath, de retour ce mercredi 4 août pour un nouvel opus d’OSS 117, coche toujours toutes ces cases, et Alerte rouge en Afrique noire ne fait sûrement pas exception. Mais l’espion culte ne serait-il pas finalement qu’un... idiot? C’est ce qu’explique Chris Le Guelf dans son livre La philo selon OSS 117.

Dans cet ouvrage paru le 8 juillet dernier, son auteur, diplômé de philosophie, pose la question suivante: “Et si un philosophe se cachait derrière le sourire béat d’Hubert Bonisseur de la Bath, alias OSS 117?” Question vite évacuée par la réponse suivante: “Qu’on se le dise tout de go, OSS 117 est un débile profond!”

Le héros de Rio ne répond plus et Le Caire, nid d’espions serait avant tout un idiot, au sens philosophique du terme. “Toujours le premier à faire la leçon, mais le dernier à comprendre ce qui se trame, le plus brillant des espions français est l’expert des jugements hâtifs et des raccourcis logiques, le prince de l’inculture!”, écrit Chris Le Guelf. Citant tour à tour ses “propos condescendants et colonialistes à l’égard de la langue arabe, de la société égyptienne, de l’Afrique et du Proche-Orient en général”, “son attitude profondément phallocrate”, “sa peur panique à l’égard des relations homosexuelles”, Chris Le Guelf estime qu’il s’agit d’un “héros qui ne change jamais”, et que ses comportements sont bel et bien des “signes d’une profonde ignorance à l’égard des civilisations, de leur histoire, des sciences dans leur acceptation la plus large, ainsi que d’une résistance titanesque au changement”.

Le “sot” de Sénèque et des stoïciens

Pour étayer sa théorie de Hubert Bonisseur de la Bath comme un parfait idiot, Chris Le Guelf fait d’abord appel au concept de “stultus” de la philosophie stoïcienne, soit “le sot, l’insensé, le non-sage”. “Est idiot pour Sénèque celui qui fait preuve de déraison, stultitia, c’est-à-dire celui qui ne soumet pas le monde à l’examen de sa raison, mais qui laisse son esprit être pénétré par les opinions (doxa) les plus diverses, les plus changeantes. Il est celui que la faiblesse d’esprit rend malléable, influençable, capable d’embrasser une opinion puis une autre pour peu que celle-ci soit devenue la plus partagée”, écrit Chris Le Guelf.

Pour lui, suivant cette définition, OSS 117 est incapable de changer ses représentations, de faire preuve de discernement, de se donner à l’autocritique. Ainsi, lorsque dans OSS 117: Rio ne répond plus, Dolorès Koulechov lui lance: “Eh bien voilà, vous êtes vieux, vous êtes prétentieux, votre vision des femmes est archaïque, vous êtes imbu de vous-même, supérieur, parfois à la limite du racisme. Vous vous habillez mal, vous êtes infantile, vous n’êtes pas drôle. Je m’arrête là?”, aucune critique ne va atteindre l’espion... à part celle concernant ses vêtements. “Je m’habille mal?”, la questionne-t-il ainsi en retour.

Pour Chris Le Guelf, aucun doute, “OSS est donc un idiot en son sens le plus strict (...) Hubert est le héros éternellement identique à lui-même, incapable de changer ses représentations, d’adopter un autre point de vue que le sien (...)”.

Au sens du philosophe Sénèque, c’est une faiblesse morale, une faiblesse de la volonté, qui caractérise l’idiot. Ce dernier ne fait jamais l’effort qui doit être fait lorsque l’on veut questionner ses opinions ou remettre en cause celle de la majorité.

Un idiot désarmant...

Pour étayer sa théorie, Chris Le Guelf avance un autre argument. OSS 117 est un tel idiot qu’au lieu de susciter le mépris et l’indifférence des personnes qu’il côtoie, il les désarme complètement, entraînant une scission plus profonde encore entre l’idiot et le reste du monde.

Exemple: lorsque Dolorès Koulechov fait remarquer à Hubert Bonisseur de la Bath que “l’humour juif n’est pas ‘rigolo’”, celui-ci ne comprend pas le reproche qui lui est fait. “Le visage de ce dernier s’assombrit soudainement. Comme pris dans un branle-bas de combat intellectuel absolument disproportionné, il s’interroge: ‘Mais comment cela peut-il être de l’humour si ce n’est pas rigolo?’”, relate l’auteur du livre.

“À la différence du simple ignorant, l’ingénuité d’OSS 117 fait se révéler, contre toute attente, les propres limites de l’entendement de ses interlocuteurs: ils restent tous stupéfaits, démunis face à l’étrangeté d’un homme aux raisonnements si décalés”, poursuit-il.

... mais attachant

Est-ce pour cette raison qu’Hubert Bonisseur de la Bath récolte l’affection des spectateurs? Parce que son idiotie nous désarme? Chris Le Guelf avance une autre hypothèse: “Malgré l’évidente imperfection d’Hubert, ce rapport naïf au monde lui confère une qualité morale qui le sublime et suscite notre respect: l’honnêteté”. 

Nul doute qu’à la sortie de ce troisième opus d’OSS 117, le racisme ou l’homophobie d’Hubert Bonisseur de la Bath feront couler de l’encre. Mais comme le souligne Chris Le Guelf auprès de 20 Minutes: “Je pense surtout qu’OSS 117 est juste un enfant. Aujourd’hui, on a tendance à vouloir remplacer la figure de l’idiot par celle du mauvais moralement, du salaud. Il y a une sévérité à l’égard de la naïveté : on n’a plus le droit de l’être. Lui n’a rien de méchant.”

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